Blogger Template by Blogcrowds

14.Une certaine idée du courage

Cette simple phrase mit Hannah en rage.
« Bonjour la solidarité ! vociféra t’elle, enragée. Non mais franchement, vive la détermination, ici ! On ira le libérer coûte que coûte, aussi vrai que je m’appelle Hannah, bande de pétochards ! »
Elle reprit son souffle avec peine et poursuivit d’une voix un peu cassée et un ton en dessous.
« Tous pareils, ces garçons. A l’orphelinat, ils étaient pareils…La fois où Jim Dawkins a voulu chouraver du pain à la cantine, pas un seul n’a voulu l’aider. Il n’y a que moi qui me suis proposée mais il a dit que j’étais qu’une fille qui savait rien faire. C’est pour ça qu’on s‘est battus, je m’en souviens. Vous êtes tous pareils. Tous des nullards. Tous. »
Hannah se tut pendant un long moment. Parce qu’elle avait mal à la gorge.
« Quelle personnalité ! commenta Joss qui aimait être insolent et qui y arrivait très bien.
-Bois ta soupe ! » lui rétorqua Hannah.
Charlie contemplait toute cette agitation d’un air distant. Il n’avait pas l’impression d’y appartenir. C’était cette distance perpétuelle qui accroissait ses capacités d’analyse.
« C’est assez burlesque comme situation. Félix se fait mener à la baguette par une fille bien plus jeune que lui. Je n’aurais jamais cru ça possible avant de le voir de mes propres yeux. Et je crois savoir la raison de ce comportement. »
Félix ne répondait rien. Son chapeau enfoncé sur sa tête, il restait obstinément muet.
Ces expressions…Ses expressions. Il devait les dissimuler, toujours, toujours. S’il voulait garder cette suprématie qu’il avait sur le reste des Galopins.
« Félix, je vois à travers ton chapeau pensa Charlie. Je vois tout et je sais que t’es en train de chialer comme un malheureux. Mon pauvre, tu ne peux rien me cacher. Je lis en toi comme dans un livre ouvert et s’en est ainsi depuis toujours. Mon pauvre vieux. »
C’était vrai. Il pleurait, Félix.
Même s’il n’était pas question de l’avouer à qui que ce fût.
C’était comme ça. C’était pour se protéger.
Ils s’assirent tous à la table, burent leur soupe en silence.
Mais Charlie pensait à pleins régimes.
« C’est une certaine idée du courage. Une certaine… »
Ensuite, ils se couchèrent tous.
Aucun d’entre eux ne dormit beaucoup cette nuit-là parce que le matelas vide d’Everard leur rappelait trop à tous leurs tracas.
Aux alentours de trois heures du matin, Charlie s’endormit au milieu de ses livres.
C’était une habitude qu’il avait.
Sa vie était régie par les habitudes.
Et la seule chose qui brisait ce carcan de routine était une jeune fille aux cheveux blancs.

0 commentaires:

Article plus récent Article plus ancien Accueil